Il existe des sujets dont personne n’ose parler. Il peut s’agir de dysfonctionnements organisationnels (fonctionnement démotivant, réunions inutiles, décision malheureuse...) ou de dysfonctionnements personnels (réaction disproportionnée, perte de confiance en l’autre...). Parce que les dysfonctionnements organisationnels se transforment en dysfonctionnements individuels et inversement, il est bon d’aborder ces sujets difficiles. 

La promesse de tout se dire

Trois associés démissionnent pour créer leur propre cabinet. Dans ce nouveau cabinet, ils se promettent de tout se dire afin de ne plus subir de dysfonctionnements.

« Dérouler son raisonnement» et « parler ouvertement»

Un an après, ils constatent que les dysfonctionnements sont revenus : perte de confiance, incompréhension, doute, cynisme, jugements tranchants, mise à distance font à nouveau partie de leur quotidien.

Pour aborder de façon constructive ces sujets  difficiles, ils apprennent à dérouler leur raisonnement et à dire  ouvertement ce qu’ils préfèrent  généralement garder pour eux.

Perte de confiance

Vincent et Nicolas, deux des associés, se retrouvent.

Attention : le dialogue qui va suivre est long. Cette longueur est nécessaire pour apprécier l’utilité de « dérouler son raisonnement» et de « parler ouvertement».

Vincent : «Nicolas, j’ai perdu confiance en toi. J’aimerais t’expliquer pourquoi. Et j’aurais besoin que tu m’aides à voir là où mes informations sont fausses afin que je change éventuellement mon opinion ».

Nicolas : « Ca tombe bien car, moi aussi, j'ai envie d'en discuter avec toi. Je tiens à notre relation et je voudrais mettre un terme à cette distance qui s'est installée entre nous depuis plusieurs mois».

Vincent [déroulant son raisonnement] : « Récemment, tu as été en contact avec mon client. D'un côté, tu me fais mille excuses parce que, peut-être, tu pensais rencontrer le PDG de mon client. De l'autre côté, tu me dis que tu as organisé un tête-à-tête avec lui et que ce n'est pas la peine que je sois présent. Permets-moi de te rappeler que j'ai travaillé dur pour établir une relation de confiance avec ce client et donc, je ne suis pas très heureux à l'idée de savoir que, dans mon dos, quelqu'un peut entraîner mon client dans une direction qui ne me plaît pas. Encore que, si tu m'avais dit clairement dès le début ce que tu allais faire, on aurait pu s'expliquer franchement. Alors que là, tu n'arrêtes pas de me dire que je suis le n°1 chez ce client mais tu agis différemment».

Nicolas [parlant ouvertement] : «, je pense que tu dramatises un peu la situation. [Déroulant son raisonnement] Comme je sais à quel point tu tiens à ce client, j'ai vraiment essayé de garder un profil bas en m'excusant d'intervenir. Je craignais que mon intervention se retourne contre moi. En fait, cette intervention n'est pas volontaire. C'est suite à une réunion de notre PDG avec le PDG du client que des questions de logistique ont été soulevées. Notre PDG s'étant engagé à les résoudre rapidement, et comme tu n'étais pas là, il m'a chargé de les traiter. Mais je n'ai rien à te cacher et, surtout, je ne souhaite pas défaire en secret des arrangements déjà conclus. Je n'ai rien à gagner en intervenant directement. Cette histoire me met mal à l'aise, surtout que j'avais bien dit à notre PDG de te prévenir ».

Vincent [déroulant son raisonnement] : «, ce que je constate surtout c'est que, dans le premier message que j'ai reçu, il t'a mis en avant en disant que tu contribuais utilement à l'amélioration des rapports avec ce client».

Nicolas [déroulant son raisonnement] revient, de manière factuelle, sur toutes les occasions auxquelles il a répété à quel point Vincent était le meilleur directeur pour s'occuper du client. Ce sont des informations que Vincent peut vérifier auprès d'autres personnes.

Nicolas ajoute que le PDG du client est un de ses vieux amis et que ce lien peut l'aider à aborder certains sujets. Mais Nicolas précise qu'il a  bien dit à son ami qu'il était d'accord pour discuter avec lui mais que c'était Vincent qui avait la responsabilité du contrat. Ce à quoi le PDG a ajouté : « c’est parfait, j’ai un grand respect pour lui et pour son équipe ».

Vincent [parlant ouvertement] : « Et bien. Je ne sais pas. D’un côté, je comprends. Mais de l’autre, après tout le travail qu’il nous a fallu fournir durant 3 ans pour consolider nos rapports avec le client, c’est comme si une grande ombre venait obscurcir notre rôle. D’un côté, j’ai l’impression que l’on me retire une partie des profits symboliques, de l’autre, j’ai peur que, sans le vouloir, ton intervention nuise à tout notre travail ».

Nicolas répète à nouveau qu'il aurait préféré rester discret de peur que Vincent lui en veuille, car, [parlant ouvertement] quand Vincent est contrarié, il peut être furieux.

Vincent [parlant ouvertement] enchaîne en disant qu'il n'aurait pas supporté l'idée que le profit de tout le travail revienne à Nicolas, que ce soit en termes d'image mais aussi en termes financiers. Il rappelle au passage la relation privilégiée de Nicolas avec leur propre PDG.

Cette phrase est mal comprise de Nicolas, qui pense que Vincent sous-entend que sa relation privilégiée avec leur PDG lui garantit des revenus supérieurs aux autres. Nicolas informe Vincent que ses revenus ont baissé au cours des deux dernières années.

Vincent affirme ne pas avoir fait un tel sous-entendu et tous les deux réussissent à éclaircir ce point de façon constructive.

Ensuite, Nicolas [parlant ouvertement] reproche à Vincent de ne pas arriver à admettre que lui (Nicolas) a une relation privilégiée avec le PDG du client et qu'il a eu un rôle positif durant les négociations. Nicolas lui reproche aussi de l'accuser, à tort, de vouloir s'immiscer dans la relation avec le client.

Vincent [parlant ouvertement] ne sait plus trop quoi penser. Il dit se sentir dans l'impasse avec l'envie de rester en dehors de tout ça. Mais il sent que ce ne serait pas la bonne solution.

Nicolas [déroulant son raisonnement] dit que, pour lui, ce dossier est une corvée et qu'il pense que, dans un proche avenir, l'équipe de Vincent ayant monté en puissance, son rôle va diminuer et ce problème ne se posera plus.

Vincent [parlant ouvertement] reconnaît qu'il se sent un peu déprimé par tout ça et qu'il a peut-être un besoin excessif de contrôle. Il se rappelle aussi de ne pas avoir supporté une remarque de son PDG lui disant qu'il ne gérait pas assez activement la relation.

Nicolas intervient en disant que, pour lui, c'est bien à Vincent que l'on doit la qualité de la relation avec le client et que leur PDG a tort de penser que Nicolas y est pour quelque chose.

Vincent [parlant ouvertement] dit aussi avoir peur que Nicolas sème la pagaille et mette son travail en l'air. Ce qui le rendrait vraiment furieux et le pousserait à incendier Nicolas, chose qu'il avoue ne pas pouvoir faire car Nicolas est un associé et non un simple directeur.

Nicolas [parlant ouvertement] trouve que Vincent réagit de manière excessive car les interventions de Nicolas chez le client sont suffisamment adultes pour ne pas compromettre le travail de Vincent.

Vincent [parlant ouvertement] réalise qu'en accordant trop d'importance aux actions de Nicolas, il peut donner aux autres l'impression que Nicolas est son supérieur hiérarchique.

En conclusion, Vincent accepte de ne plus tourner autour du pot et d’aller voir directement Nicolas quand quelque chose le tracasse.

Quant à Nicolas, il promet de réagir du mieux qu’il pourra afin de ne pas activer les peurs de Vincent.